Recruter des profils neuroatypiques dans les métiers data par Anne-Sophie Jarrige, recruteuse spécialiste des métiers digitaux/data et coach professionnelle certifiée, et Julien Davadant, Jobcoach et fondateur d’Astypic

Question 1 : On se présente ?

Anne-Sophie Jarrige – Bonjour, je suis Anne-Sophie Jarrige, recruteuse de talents digitaux et de data, et coach professionnelle certifiée. Julien  Davadant– Bonjour, je suis Julien Davadant, Jobcoach et fondateur d’Astypic.

Question 2 : C’est quoi Astypic ?

Julien  Davadant – Astypic est une société spécialisée dans l’accompagnement de profils “neuro-atypiques” tels que l’autisme, les troubles dys, les troubles de l’attention etc. Nous accompagnons environ 250 adultes à travers la France. Nos missions incluent l’intégration, le recrutement et le maintien en emploi au sein des entreprises. Nous formons l’écosystème de l’entreprise, y compris les recruteurs et les managers, afin de mieux appréhender ce type de profils. Notre approche va au-delà du simple coaching professionnel, car ces profils présentent des troubles durables et évolutifs.

Question 3 : Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Anne-Sophie Jarrige – C’est un ami en commun qui nous a mis en relation ! J’avais besoin de conseils pour le recrutement d’un potentiel « atypique » sur un poste de Data Architect, ainsi que d’arguments pour convaincre la DRH. Le terme de « neurodiversité » n’a rien de médical. Il présente des fonctionnements très hétérogènes de tous les profils pouvant exister.

Question 4 : Quand on parle de profils “neuro-atypiques”, on parle de quoi ?

Julien  Davadant – On parle de profils “atypiques” sur le plan cognitif et sensoriel qui fonctionnent différemment. Ces profils ont un diagnostic. En France, nous sommes en retard sur ces sujets, avec des temps d’attente longs pour les diagnostics. Actuellement, environ 700 000 personnes présentent une forme d’autisme, mais seulement environ 1 % d’entre elles ont une vie professionnelle active. En revanche, au Royaume-Uni, nous observons des chiffres bien plus élevés, dépassant les 15 %, tout comme dans d’autres pays.

Question 5 : Pourquoi avoir pensé à proposer à ton client qui recherchait un Data Architect, ce type de profil ?

Anne-Sophie Jarrige – En réalité, je ne cherchais pas à présenter quelqu’un comme étant « atypique ». Souvent, ces personnes ne se présentent pas ainsi. Intuitivement, j’ai simplement perçu qu’il y avait quelque chose de différent. Je n’ai pas de données, mais je rencontre fréquemment ce type de profil dans les domaines de la data et du digital. Je remarque une certaine singularité, une différence, bien que ces personnes ne se présentent pas comme étant “atypiques ».

Question 6 : Selon toi, quels sont les atouts d’un profil “neuro-atypique” pour une entreprise ?

Anne-Sophie Jarrige – Les “neuro-atypiques” présentent des caractéristiques intéressantes au sein d’une entreprise. En règle général, et sous réserve de faire des généralités, ces personnes ont une capacité de travail très élevée, une certaine vitesse d’exécution, une capacité à gérer la complexité avec une rigueur scientifique notable, et surtout, une capacité à passer du micro-détail à ce que j’appelle une vision holistique. C’est-à-dire qu’ils ont cette capacité à faire des liens, à trouver des connexions entre des éléments qui, à priori, n’en ont pas. Cela permet de dégager des insights très intéressants en termes de marketing, de data ou d’innovation pour les entreprises. Julien  Davadant – En complément de ce qu’Anne-Sophie a pu présenter, ces personnes ont un autre mode de fonctionnement et une pensée par le détail. Cependant, il faut faire attention à ne pas tomber dans les clichés de “l’autiste génie” que l’on peut voir dans les médias. En réalité, le diagnostic est établi cliniquement avec une multitude de critères différents. C’est la raison pour laquelle il y a autant de profils autistes que de personnes diagnostiquées. Il y a des impacts invisibles qui demandent à l’environnement de travail de s’adapter.

Question 7 : Quelles sont les peurs principales des recruteurs ?

Anne-Sophie Jarrige – Nous entendons régulièrement : “Il ne va pas s’intégrer”, “Nous allons rencontrer des difficultés relationnelles”, “Ça va être compliqué”. Souvent, la peur cachée des managers est de penser que, comme le handicap est plutôt invisible et peu dévoilé aux autres membres de l’équipe, il y a un risque pour l’équité. “Pourquoi traiter deux personnes différemment alors qu’elles n’ont pas de différence visible ?” Il est très compliqué de sensibiliser, former et expliquer à l’équipe, ainsi qu’aux managers, que cette personne requiert un management différent. Julien  Davadant – En complément des freins, j’explique souvent aux entreprises que ce sont des profils “différents”. Ainsi, on ne peut pas attendre de ces personnes qu’elles fonctionnent et communiquent comme “nous”. De nos jours, il est difficile pour notre société de s’ajuster : il est crucial que l’entreprise s’adapte pour permettre au salarié de mettre en œuvre toutes ses compétences. Ma recommandation pour maximiser la diversité est de faire passer des entretiens structurés.

Question 8 : Quelques astuces pour un recrutement qui n’exclut pas ces profils ?

Anne-Sophie Jarrige – Plus nous poserons des questions situationnelles telles que : “Comment feriez-vous dans telle ou telle situation ?” ou “Quels types d’outils utiliseriez-vous pour résoudre telle ou telle problématique ?”, plus nous aurons de chances que les atypiques puissent montrer leurs compétences. C’est la clé pour pouvoir les intégrer et les recruter. Julien  Davadant – En effet, beaucoup passent des entretiens, mais malheureusement très peu sont embauchés. Ainsi, la formation des recruteurs semble indispensable. C’est important de structurer et de ne pas hésiter à poser des questions sur le vécu et l’existant de ces divers profils, au détriment des questions qui demandent une abstraction ou une projection. Ce sont souvent aussi des profils qui sont très transparents, honnêtes, donc ils ne vont pas forcément se vendre ou se mettre en avant, ce qui peut discriminer leur candidature.

Question 9 : Côté intégration dans l’entreprise ? Une astuce à partager ?

Julien  Davadant – Cela fait environ dix ans que nous refusons de fournir un guide aux entreprises, car ces particularités cognitives se manifestent de manière très différente pour chaque individu. Nous parlons d’adaptation à des modes de fonctionnement différents, c’est pourquoi l’outil humain est indispensable. Nous intervenons dans ce contexte. Il faut aussi prendre en compte que cela est évolutif. En effet, ce n’est pas parce que tout va bien à un moment donné que cela ne peut pas changer. Ces profils sont comme nous : ils évoluent en fonction de l’environnement, du projet et des personnes impliquées. Anne-Sophie Jarrige – Les personnes “neuro-atypiques” nous poussent à remettre en question les pratiques actuelles de management. Elles nécessitent un management basé sur la proximité et la réactivité. C’est une super opportunité pour les entreprises d’innover avec un management plus attentif et plus à l’écoute, souvent désigné sous le terme de « Management par le Care. Adopter ce type de management et intégrer ces profils serait une occasion de se positionner en avant-garde dans le domaine du management pour l’avenir.

Question 10 : Où peut-on vous contacter ?

Anne Sophie Jarrige & Julien Davadant

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