Le rôle d’une CDO chez Eau de Paris avec Katarina Krcunovic, Chief Data Officer – Eau de Paris

Pour commencer, peux-tu nous donner un aperçu de qui tu es et de ton parcours en tant que Chief Data Officer ?

Je suis Chief Data Officer depuis 2021, donc depuis un peu plus de trois ans maintenant. Avant ça, j’étais en charge du contrôle de gestion, et encore avant, j’ai travaillé sur des projets de déploiement de systèmes d’information. En fait, j’ai eu l’occasion de côtoyer la data sous différents angles, à la fois techniques et métiers. Et c’est cette diversité d’expériences qui m’a permis de prendre conscience de tout l’intérêt qu’il y avait à me spécialiser davantage dans ce domaine.

Ce rôle de Chief Data Officer peut vraiment varier d’une entreprise à l’autre. Toi, comment est-ce que tu définirais ton rôle chez Eau de Paris ? Et quels sont les plus grands défis auxquels tu fais face ?

Mon rôle, très concrètement, c’est de faire en sorte que la data soit exploitée efficacement chez Eau de Paris, toujours au service de nos objectifs. Je suis rattachée à la direction générale et mon rôle consiste à assurer la cohérence et l’alignement de toutes les initiatives data qui existent déjà ou qui émergent au sein de l’entreprise. Il faut savoir qu’à Eau de Paris, on a une activité industrielle, on produit l’eau du robinet, et donc on travaille avec la donnée depuis longtemps. Ce n’est pas un sujet nouveau pour nous. On en a déjà beaucoup… et on continue d’en générer encore plus. Ce qui est important pour nous : accompagner ces démarches. Le risque, ce serait de se laisser un peu déborder par cette masse de données…

Quand tu es arrivée dans ton rôle de Chief Data Officer, qu’est-ce qui t’a le plus surprise ? Parce que c’était un poste nouveau pour toi, qu’est-ce qui t’a vraiment étonnée ?

Ce qui m’a frappée en premier, c’est que le rôle de Chief Data Officer chez nous est très transversal. Et ça, je l’ai vraiment découvert en prenant mes fonctions. Travailler en transversal, ça veut dire qu’il faut savoir composer avec des organisations et des structures déjà en place, plus ou moins fluides, avec leurs dynamiques internes. C’est un point important à avoir en tête dès le départ. Ensuite, ce qui m’a aussi beaucoup surprise, c’est que parler de data, c’est forcément parler des métiers. Et chez Eau de Paris, il y a plus d’une soixantaine de métiers différents ! Donc le matin, on peut discuter avec les équipes finance, et l’après-midi, être en réunion avec la relation client ou la maintenance. Il faut donc être capable de comprendre leurs besoins, mais aussi leurs façons de raisonner, leurs outils, leur vocabulaire, les freins, les contraintes, les habitudes : tout cela varie énormément d’un métier à l’autre. Et il faut vraiment en tenir compte. 

Selon toi, qui sont les meilleurs alliés d’un Chief Data Officer ?

Pour moi, les meilleurs alliés, ce sont clairement les métiers. Ce sont eux qui ressentent les besoins au quotidien, qui vivent les problématiques sur le terrain. Et ce sont aussi eux qui, si les solutions qu’on développe leur conviennent, peuvent devenir nos meilleurs avocats. De toute façon, quand on met en place une stratégie data, c’est pour servir les métiers. Donc c’est naturel de les placer au centre de la démarche. Cela dit, ça ne veut pas dire qu’on peut tout embrasser d’un coup : les attentes sont très nombreuses et très diverses. Il faut donc savoir repérer les bons interlocuteurs, c’est-à-dire ceux qui ont une vraie appétence pour les sujets data, qui ont aussi un peu de temps à y consacrer, ce qui est loin d’être toujours le cas, et enfin, avec qui on peut identifier des cas concrets à traiter, pour obtenir des premières réponses rapidement. C’est ce qui permet de créer de la valeur, de la confiance, et de lancer une dynamique positive.

Quels seraient tes conseils à un jeune Chief Data Officer qui débute dans ce rôle ? Si tu devais le prévenir ou l’orienter, tu lui dirais quoi ?

Je lui dirais d’abord qu’il faut être opportuniste,  dans le bon sens du terme. C’est-à-dire : savoir repérer les opportunités qui se présentent, être capable de les saisir au bon moment pour lancer un ou plusieurs projets qui vont créer de la valeur. Pour ça, il faut être très à l’écoute des métiers. Ne surtout pas arriver avec des idées toutes faites ou des convictions rigides. Au contraire, il faut être prêt à s’adapter en permanence : à des interlocuteurs différents, à des cultures d’équipe différentes, à des temporalités qui ne sont pas les mêmes partout. Il faut aussi comprendre l’environnement dans lequel on évolue. La donnée, ce n’est pas un sujet nouveau : les entreprises travaillent avec depuis longtemps. Donc on n’arrive pas sur un terrain vierge, il y a un existant, parfois très riche, parfois plus flou, mais qu’il faut prendre le temps de décoder. Il y a énormément de demandes et de sujets potentiels. L’un des grands défis, c’est de savoir prioriser intelligemment, pour avancer de manière concrète et crédible.

Selon toi, quels conseils donnerais-tu pour prioriser efficacement en tant que Chief Data Officer, notamment dans les 100 premiers jours ?

C’est vrai que les débuts ne sont pas simples, surtout quand on arrive dans une organisation où les projets sont déjà nombreux et bien lancés. C’était un peu mon cas à Eau de Paris : j’ai eu cette impression de devoir monter dans un train déjà en marche, et à vive allure. Donc, mon premier conseil, c’est de prendre le temps, malgré l’urgence apparente, de bien comprendre l’environnement dans lequel on arrive. Qui fait quoi ? Quels sont les projets en cours ? Quelles sont les parties prenantes ? Il faut éviter de proposer quelque chose qui existe déjà ou qui est en cours de réalisation — ça crée des tensions, ça donne l’impression qu’on n’écoute pas. Ensuite, il faut identifier un sujet ou un problème concret, mais pas trop complexe, sur lequel on peut rapidement faire une démonstration de valeur. Un projet pas trop ambitieux au départ, mais qui permet de montrer l’intérêt de la fonction, de la démarche, et de commencer à poser ses repères. La méthode des petits pas, c’est une très bonne approche. Parce qu’en réalité, on a peu de temps pour convaincre, surtout dans une création de poste. On attend de vous des résultats visibles rapidement. Alors il vaut mieux partir sur un sujet accessible, avec un impact clair, plutôt que viser tout de suite un chantier très stratégique mais long et complexe.

Maintenant que tu as un peu de recul sur ces trois premières années en tant que Chief Data Officer, si c’était à refaire, qu’est-ce que tu ferais différemment ?

Je pense que je ne partirais pas sur quelque chose d’aussi théorique ou ambitieux dès le départ. Par exemple, à mon arrivée, on m’avait demandé de travailler sur la mise en gouvernance des référentiels clients — et comme souvent, on en a plusieurs. Mais c’était trop théorique pour les métiers, pas assez concret pour créer de l’adhésion. On n’acculture pas avec un sujet aussi pointu.  Avec le recul, je me dis qu’il faut d’abord montrer ce qu’on peut faire avec la data, la manipuler, produire des choses simples, concrètes. On ne commence pas par la gouvernance. On fait un projet, dont une des briques représente la qualité des données, la gouvernance. Si on arrive tout de suite avec un discours gouvernance, ça casse l’élan, ça ne parle pas. Ça « tue l’amour », comme on dit. Deuxième chose que je ferais différemment, c’est de structurer un réseau de data owners, mais pas trop large. Parce que si on démarre avec un réseau trop étendu, on se retrouve à devoir animer, motiver, suivre un nombre important de personnes, et ça peut vite devenir lourd à gérer. Il vaut mieux commencer petit, mais solide. Et enfin, éviter de plaquer une nouvelle organisation en plus de tout ce qui existe déjà. Souvent, les entreprises ont déjà plein de structures transverses. Donc autant s’insérer dans ce qui est déjà en place, pour ne pas donner le sentiment qu’on rajoute une couche supplémentaire. Ça facilite l’adhésion, et ça montre qu’on comprend l’environnement dans lequel on évolue.

Un dernier conseil ?

Toujours garder en tête que la data n’a de valeur que si elle sert concrètement l’entreprise. Il ne s’agit jamais de « faire de la data pour faire de la data ». Il faut un lien clair avec les objectifs métiers. C’est ce qui crédibilise la démarche, et ce qui permet d’embarquer. Ensuite, il faut être capable de s’adapter en permanence. Les technologies évoluent vite, les enjeux métiers aussi. Il faut donc savoir parler à des publics très différents, et toujours trouver le bon équilibre entre la technique et l’opérationnel. 
Le Chief Data Officer est, par nature, un profil hybride. Il doit savoir vulgariser la technique pour les métiers…
Et à l’inverse, traduire les besoins métiers en solutions techniques. Bref, c’est un rôle de traducteur, de passeur. Et c’est ce qui le rend aussi passionnant !

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