Comment réussir la transformation digitale & Data dans son organisation ? Par Aurélien Fenard, Directeur de la Transformation Digitale et des Données RH chez France Travail

Projecteur sur un domaine que vous appréciez particulièrement CDO, et que vous connaissez par coeur 😉 ! Les enjeux de la transformation digitale et de l’exploitation des données, des leviers essentiels pour accompagner l’évolution des organisations. Aurélien Fenard, Directeur de la transformation digitale et des données RH chez France Travail, il s’occupe de mettre en place des systèmes, de récolter des datas, d’exploiter ces datas et puis de mettre des nouveaux services comme de l’IA ou de l’IA générative. Découvre le partage de son expertise sur ces sujets stratégiques. Aujourd’hui, il revient sur son parcours, les défis spécifiques liés à la transformation digitale chez France Travail, ainsi que les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Un échange éclairant pour mieux comprendre les enjeux actuels et futurs du secteur… 

 


 

Quand on parle de transformation data-driven, par où commencer selon toi ? Quelles sont les premières pierres que tu as posées pour initier ce virage chez France Travail ?

L’un des premiers enjeux est de déterminer comment adresser cette transformation de la donnée. Deux approches sont possibles :

  • Une approche bottom-up, qui consiste à s’appuyer sur les métiers, les groupes projets, les établissements et les entreprises pour faire monter en compétence les équipes et diffuser progressivement les savoir-faire et les techniques liées à la data.
  • Une approche top-down, où la transformation est portée par des programmes structurés, des directions et des initiatives stratégiques visant à insuffler une culture data et à promouvoir l’innovation, notamment autour de l’IA.

 

Quel est l’enjeu final de cette transformation ? Comment se fait le choix entre une approche top-down et bottom-up ?

L’enjeu principal est la maturité de l’organisation. Il n’existe pas de modèle universel applicable à toutes les entreprises en matière de transformation digitale ou de culture data-driven et IA-driven. Chaque structure a ses spécificités et nécessite une approche adaptée.

Pour cela, il est essentiel de :

  • Évaluer la maturité de l’entreprise afin de comprendre son niveau d’appropriation des données et des technologies.
  • Expérimenter à petite échelle en menant des tests et des projets pilotes avant de généraliser une approche.
  • Définir un modèle de déploiement en fonction des résultats obtenus et de la capacité d’adaptation de l’organisation.

Chez France Travail, la décision a été prise de combiner les approches top-down et bottom-up, ce qui permet une transformation plus efficace et mieux intégrée à l’ensemble de l’organisation. Et cela fonctionne très bien.

 

Les termes data et IA peuvent parfois sembler abstraits, voire intimidants, pour certains collaborateurs. Comment avez-vous réussi à démystifier ces concepts et à embarquer les équipes dans cette transformation ? Quelle a été votre approche ?

La démarche d’accompagnement et de sensibilisation a été essentielle, et cela n’a pas été un travail individuel, mais bien une dynamique collective portée par une équipe et une stratégie globale. Il ne s’agit pas seulement de la data RH, mais de la donnée au sens large.

Plusieurs leviers ont été activés :

  • Insuffler une culture data et IA à travers des actions de sensibilisation et des formations adaptées aux besoins des collaborateurs. Ces formations couvrent des sujets variés comme la data, la réglementation sur la protection des données (RGPD) et l’intelligence artificielle.
  • S’appuyer sur une expérience existante : France Travail travaille sur l’IA depuis une dizaine d’années. Plus récemment, l’IA générative est venue enrichir ces usages, notamment depuis un an et demi à deux ans.
  • Déployer des programmes structurés : l’initiative Intelligence Emploi a constitué un premier jalon, suivi aujourd’hui par un programme plus large intitulé Data IA.

Ces programmes ont été conçus avec une organisation réfléchie, mettant en miroir les différentes parties prenantes afin d’assurer une diffusion progressive et efficace des connaissances, jusqu’aux agents et aux fonctions support. Un travail structuré qui permet d’intégrer durablement ces nouvelles pratiques.

 

Les trois étapes clés de cette démarche ? C’est quoi ? 

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que l’IA peut parfois faire peur, et il est essentiel d’établir un cadre de confiance pour éviter cette appréhension. Ce cadre inclut ce que j’appelle un « cadre de confiance psychologique », un concept souvent évoqué dans le milieu, afin que les agents de l’entreprise n’aient pas peur d’innover et puissent s’approprier la culture de la data, de l’IA, et des statistiques. Il est important que chacun puisse se dire : « Qu’est-ce qu’un algorithme ? Je vais m’y intéresser et m’y investir. » Pour soutenir ce processus, nous avons mis en place des outils spécifiques.

Ces outils incluent une gouvernance claire avec des comités d’investissement IA et des comités d’éthique IA, car l’éthique est primordiale pour garantir que l’IA est utilisée de manière responsable. Cela permet de rassurer les employés, car ils savent que toutes les démarches nécessaires, telles que le respect du RGPD, ont été prises en compte. Tout est mis en place pour respecter à la fois les données des usagers et les ressources humaines internes, offrant ainsi un environnement sécurisé pour l’usage de l’IA.

Concrètement, le cadre de confiance repose sur plusieurs outils, comme la charte éthique, que nous appliquons à travers des comités et des experts externes. Ces derniers peuvent évaluer les nouveaux cas d’usage, les approuver ou émettre des réserves afin d’assurer une application éthique et responsable. Par exemple, l’IA ne prend jamais de décision seule, c’est toujours l’agent humain qui a le dernier mot, et des principes comme l’absence de discrimination sont fondamentaux.

Enfin, pour renforcer ce cadre, nous mettons en place des sessions de sensibilisation et des formations pour aider nos collaborateurs à adopter cette approche. Une fois cela fait, nous déployons les cas d’usage avec un comité de produits IA pour suivre l’évolution de chaque projet. 

Focus sur le comité d’investissement IA ! 

Sur le marché, il est facile de se perdre lorsqu’on développe des outils IA, surtout que cela peut coûter très cher et ne pas toujours donner les résultats escomptés. Également, il faut se poser la question de savoir où on va et si cela ne va pas nécessiter trop d’investissement humain à long terme. C’est pour cela que ces comités IA sont cruciaux : ils permettent de déterminer, au sein des équipes, si nous avons la capacité nécessaire pour traiter ce cas d’usage, ce qu’il va réellement apporter, et si cela justifie l’investissement. Est-ce que cela en vaut la peine ? Ces comités nous permettent de prendre des décisions collectivement, de manière réfléchie, pour savoir si l’investissement est viable ou non. Le comité d’investissement IA, ou le comité de produits IA, nous aide précisément à ça : à décider ensemble si un projet vaut le coup ou pas. Avec les équipes de l’ADSI, nous avons mis en place une « usine IA », et avec toutes ces équipes, nous pouvons décider : voilà, ce projet vaut le coup, il est éthique, le cas d’usage est solide, et maintenant, nous pouvons passer à la phase de déploiement et de fabrication.

 

Toutes les transformations rencontrent aujourd’hui des résistances, ce qui est inévitable, sinon cela serait trop simple. Lors de tes diverses expériences, quels ont été les plus grands obstacles que tu as rencontrés, et as-tu quelques clés pour les surmonter ?

Effectivement, c’est toujours le cas… Et même dans une transformation de cette ampleur, il est essentiel de garder cela à l’esprit. On dit souvent qu’il existe différents types de personnes face à l’IA, chacune ayant des sensibilités particulières. Il y a, par exemple, ceux qui redoutent de rester à l’écart, ceux qui ont peur de ne pas suivre le mouvement. Ce sont ces personnes-là qu’il faut absolument accompagner. Mais il faut aussi s’adresser à ceux qui vont utiliser l’IA pour déléguer certaines tâches sans réellement s’investir dans la créativité. Enfin, il y a les « cyborgs », ces individus qui n’ont aucune crainte d’utiliser l’IA et qui intègrent pleinement cette technologie à leur créativité.

L’objectif est d’adresser toutes ces typologies. Mais surtout, ce qui m’intéresse profondément, c’est de ne laisser personne sur le bord du chemin. Certaines personnes peuvent craindre que l’IA leur vole leur travail ou nourrir des peurs à cause de ce qu’elles entendent dans les médias. Il est donc fondamental de mettre en place une sensibilisation complète, de démystifier cette technologie, de débunker les idées reçues. Il faut faire comprendre que, au contraire, ce sont ceux qui ne s’y intéressent pas qui risquent de se voir remplacés par quelqu’un d’autre, quelqu’un qui maîtrise mieux l’outil.

C’est souvent ce que je dis…

“Ce n’est pas l’IA qui va nous remplacer, mais plutôt quelqu’un qui saura l’exploiter mieux que nous.”

C’est là qu’il faut être vigilant. Parce qu’ensuite, tu découvriras qu’en maîtrisant cette technologie, tu te sentiras presque comme un super-héros, capable d’accomplir des tâches incroyables. Et nous, nous fournissons les outils nécessaires pour cela, comme des ChatGPT internes, appelés « Chat FT », ainsi que des outils pour les fonctions supports que nous sommes en train de déployer et de construire en collaboration avec nos équipes métiers.

L’idée derrière tout ça, c’est non seulement de dire : « vous pouvez vous y mettre », mais aussi de le faire en toute confiance, avec des outils auxquels vous pouvez vous fier totalement, et qui sont déjà configurés et adaptés à nos besoins internes. C’est cela qui est véritablement intéressant.

 

En préparant cet échange, tu m’as mentionné qu’il est essentiel de montrer l’exemple soi-même pour lever les freins et appliquer soi-même ces changements. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Oui, tout à fait. À titre personnel, je consacre beaucoup de temps à la recherche et à la réflexion sur ce que l’on appelle le future of work, en cherchant à comprendre comment nous pourrons hybrider notre travail avec l’IA. D’ailleurs, je poste régulièrement des vidéos dans lesquelles je pousse à explorer toutes les possibilités offertes par ces outils.

Je réalise également des démonstrations et des sessions de sensibilisation en interne. Par exemple, je montre comment créer un jeu en 30 secondes ou encore comment concevoir une présentation PowerPoint sur l’histoire de l’IA en seulement deux minutes. Ce sont des démonstrations concrètes, parce que je pense que, pour se lancer, il ne suffit pas d’en parler, il faut le montrer. Beaucoup de gens, comme on l’a évoqué, ont peur de l’IA, mais il y en a aussi d’autres qui sont simplement indifférents, qui se disent « l’IA, ce n’est pas pour moi » ou « je m’y mettrai un jour ».

Ce qui est frappant, c’est quand on fait une démo et qu’on montre un impact immédiat. Par exemple, on voit parfois sur LinkedIn que l’IA est une bulle qui va éclater, mais en réalité, c’est un électrochoc de montrer à quel point cela change tout. Aujourd’hui, un développeur soumet son code à l’IA et celui-ci est corrigé instantanément, là où il aurait passé des heures, voire une après-midi entière, à le faire seul. D’ailleurs, la DSI chez nous met en place un chat GPT qui aide justement à développer du code. C’est fascinant : je ne sais pas coder en Python, mais je peux créer un jeu en Python en 30 secondes. Ce genre d’exemple permet une véritable prise de conscience.

Cela pousse ceux qui étaient un peu à l’écart, à regarder d’un autre œil l’IA et à s’y intéresser davantage. Par exemple, plusieurs personnes m’ont dit que cela les avait incitées à se mettre enfin à l’IA, car elles ne mesuraient pas encore l’ampleur de ce que cette technologie pouvait offrir.

J’ai aussi partagé une vidéo faisant partie d’un e-learning que nous avons créé chez France Travail pour un outil de gestion administrative et de paie. Ce n’est pas le genre de sujet qui fait rêver, mais l’idée ici, c’était d’utiliser l’IA générative pour rendre ce contenu plus engageant, plus attrayant. L’objectif était de faire comprendre, comme dans les fresques des grottes de Lascaux, que l’on peut raconter une histoire et transmettre un message de manière immersive et ludique, grâce à la gamification.

La différence majeure, c’est que ce qui aurait pris plusieurs semaines de travail à l’époque, m’a pris seulement deux jours grâce à l’IA. Cela a permis d’alléger l’effort tout en créant un contenu très engageant. Et les résultats sont là : les apprenants ont attribué une note moyenne de 9 sur 10 à cet e-learning de 1h30. Il est bien connu que maintenir l’attention des gens sur un e-learning de cette durée est difficile, mais là, ça a bien fonctionné.

 

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