Franck Dupin – Posture du CDO : ni DSI bis, ni gourou tech, mais allié des métiers !

Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Comment en es-tu arrivé à ce poste de Chief Data Officer ?

Je viens d’un parcours d’ingénieur, avec une passion pour les sciences et pour la capacité à expliquer les phénomènes de manière rationnelle et déterministe. J’ai toujours aimé comprendre « pourquoi » et « comment » les choses fonctionnent. Très vite, je me suis intéressé à l’innovation et à la transformation des métiers : simplification, automatisation, fluidification des processus… Tout ce qui permet de rendre le quotidien plus efficace et plus simple. C’est ce qui m’a naturellement conduit vers la data et, aujourd’hui, vers le rôle de Chief Data Officer.

Justement, selon toi, qu’est-ce qu’une bonne posture de Chief Data Officer ?

D’abord, il faut rappeler que la place de la data dans l’organisation est encore récente et varie beaucoup d’une entreprise à l’autre : on peut la retrouver sous l’IT, le digital, la stratégie ou le marketing. La clé, c’est d’avoir un sponsoring clair de la direction, sans ambiguïté sur la légitimité du sujet data.
Ensuite, il ne faut pas oublier que c’est avant tout une fonction support. Cela signifie être proche du terrain, comprendre les métiers, participer à leurs discussions, et traduire les besoins en solutions concrètes. La proximité avec le métier est, pour moi, essentielle.

Concrètement, comment cela se traduit-il ?

Il faut oser s’immerger dans les équipes : assister à des réunions commerciales, marketing, opérationnelles… Bref, sortir de sa bulle data pour observer le quotidien des métiers et apporter un regard analytique pertinent.

Quelles sont, selon toi, les qualités personnelles d’un bon CDO ?

Deux qualités me semblent clés :

  • L’esprit analytique, pour décrypter les données, comprendre les usages et identifier les irritants.

  • La créativité, pour repérer des opportunités, simplifier, transformer.
    Quand ces deux dimensions se combinent, cela ouvre beaucoup de perspectives.
    À cela s’ajoute une forte dose d’empathie : le CDO reste dans une posture de support, au service des métiers comme de la technique.

Y a-t-il un piège à éviter absolument ?

Oui : se limiter à la technique. Le CDO n’est pas un DSI bis. On peut produire le meilleur score, le plus bel algorithme ou le tableau de bord le plus complet… si les métiers ne comprennent pas, n’adhèrent pas ou ne font pas confiance au livrable, il ne sera pas utilisé. Le succès d’un projet data repose pour deux tiers sur l’accompagnement et la pédagogie.

Justement, comment éviter de se transformer en DSI bis ?

En restant concentré sur le rôle de médiateur entre la data et le métier. L’architecture technique, oui, mais sans jamais se substituer au DSI. Le CDO doit parler le langage du métier, comprendre ses besoins, et l’accompagner dans la transformation et la simplification de ses processus.

La data peut parfois sembler froide et technique. Comment susciter l’adhésion humaine autour des projets ?

En partant des irritants métiers. Lorsque l’on montre qu’un projet va simplifier une tâche chronophage, libérer du temps ou améliorer la qualité d’un process, l’adhésion est beaucoup plus naturelle. Ensuite, on peut élargir vers la création de valeur, mais commencer par résoudre les irritants reste une clé efficace.

Comment organises-tu la collaboration avec les autres métiers ?

Dans une organisation décentralisée comme la nôtre, chaque métier dispose de ses propres data analysts. Il a donc fallu mettre en place une gouvernance claire : data analysts, data référents, data owners, chacun avec ses responsabilités. Nous avons aussi structuré des comités à différents niveaux, jusqu’au comité data stratégique avec les exécutifs, pour valider les choix et les budgets. Cela permet à la fois de responsabiliser les équipes locales et de garantir la cohérence globale.

Le sponsoring reste donc un point central ?

Absolument. Dans un environnement comme une banque, par exemple, le sponsor veut une vision unique et partagée des chiffres. Cela oblige l’ensemble de l’organisation à rester coordonné et discipliné, et à parler d’une seule voix.

Pour conclure, quel conseil donnerais-tu à un futur Chief Data Officer ?

D’être au plus près du métier et de consacrer beaucoup de temps à l’adoption des livrables. Un projet data n’a de valeur que s’il est compris, co-construit et utilisé par les métiers. Et bien sûr, il faut garder un contact régulier avec le sponsor, pour maintenir son engagement et démontrer le ROI des projets. En résumé : le métier d’abord, la technique suivra.

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